Guy Wildenstein est condamné à la prison ferme

6 mars 2024 adminCDBeghi25

La Cour d’appel de Paris a donné son jugement final dans une affaire de succession portant sur des centaines de millions. Je vous raconte.

Le jugement est tombé, comme la foudre de Jupiter. La Cour d’appel de Paris ainsi mis fin (du moins en partie) à une affaire qui durait depuis bien vingt ans. Guy Wildenstein, 78 ans, s’est vu infliger quatre ans d’emprisonnement, dont deux fermes. Il devra aussi payer une amende, presque symbolique pour lui, d’un million d’euros. Nous sommes en effet dans la partie pénale d’un interminable procès qui se juge parallèlement au civil. Et l’affaire porte ici sur des centaines de millions, si ce n’est pas des milliards. Les autres accusés, dont la veuve et le fils de son frère Alec, se voient eux ici condamné à des peines avec sursis. Ils s’en sont mieux tiré que deux avocats véreux et un notaire marron, qui n’en ont eux pas forcément bénéficié (du sursis, donc).

La fin d’une dynastie

J’hésite presque à vous raconter une nouvelle fois l’histoire que j’évoque spasmodiquement à mes lecteurs depuis le début des années 2000. Je vais donc me résumer. En 2001 disparaissait Daniel Wildenstein, qui incarnait la troisième génération d’une dynastie, au départ française, de grands marchands d’art (1) internationaux. Il laissait deux fils d’une précédente épouse, Alec et Guy. Il y avait ainsi une veuve flamboyante, née Sylvia Roth. Les deux garçons ne détestaient peut-être pas leur marâtre, mais ils lui préféraient l’argent. Ils vont donc persuader celle-ci que la famille était en fait ruinée. Un acte de renonciation à tout sauverait Sylvia de la débandade. La dame n’était pas très au fait des affaires Wildenstein. Elle a donc signé des liasses de documents, dont certains étaient… en japonais.

"« Notre décision est susceptible de heurter le sens commun »
La Cour, lors du premier procès"

Peu de temps après, la veuve découvrait que ses comptes étaient bloqués, qu’elle n’avait plus de liquide et que ses chevaux de course n’étaient plus à elle. Israélienne d’origine ukrainienne, Sylvia va dès lors de battre comme une lionne. Il faut dire qu’elle était tombée sur une avocate parisienne particulièrement pugnace, Claude Dumont-Beghi. Cette dernière va soulever ciel et terre, découvrant ainsi toutes sortes de ramifications. Il y avait non seulement des tableaux chez les Wildenstein, mais d’énormes biens fonciers au Kenya ou de l’immobilier à New York. Tout cela non déclaré grâce des sociétés-écrans. Des affaires connexes sont encore venues se rajouter. Alec et Guy Wildenstein avaient notamment spolié les héritiers de deux richissimes collectionneuses… Ces faits apparaissaient dans la presse et même des livres parfois signés comme par hasard Claude Dumont-Beghi. Il y avait là de quoi faire bourgeonner les enquêtes.

Maître Dumont Beghi - Affaire Wildenstein

Claude Dumont Beghi (Photo Raphaël Beghi)

La chose traînait du coup en longueur. Traînait… Alec Wildenstein est ainsi mort en 2008, suivi par la lionne Sylvia Roth en 2010. La sœur de cette dernière, Tamara, repoussait alors la succession, ce qui ne simplifiait pas les choses. La tenue d’un procès n’en finissait pas de se voir repoussée. Le premier jugement n’est intervenu qu’en 2017. Le tribunal relaxait tout le monde, certains actes étant antérieurs à la loi française sur les trusts de 2011. La sentence était cependant rendue de manière à inciter le Parquet à aller plus loin. «Notre décision est susceptible de heurter le sens commun.» La Cour d’appel n’en a pas moins confirmé le jugement en 2018, avant que la Cour de cassation l’annule en janvier 2021. Un troisième procès devenait nécessaire. Il s’est déroulé entre septembre et octobre 2023. Le jugement vient donc de se voir prononcé. Il va dans une tout autre direction pour Guy Wildenstein, qui avait été un protégé de Nicolas Sarkozy contre des financements occultes. Un monsieur lui aussi en délicatesse avec la justice de son pays…

Voilà. On en reste là pour le pénal. Au civil, aucune nouvelle récente à ma connaissance. Mais les redressements et pénalités devraient ici se situer, je vous l’ai dit, en centaines de millions d’euros. Du haut du Ciel, Sylvia Roth-Wildenstein peut savourer sa vengeance. Elle aura fait s’écrouler l’édifice familial… et déshonoré ses beaux-fils. Bingo!

(1) Essayez une fois de lire le livre d’entretiens de Daniel Wildenstein avec le journaliste Loïc Stavridès. «Marchands d’art» s’est vu réédité en 2020 chez LeXio du Cerf. Une collection de livres de poche. On y apprend beaucoup de choses.

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Source: Bilan
Auteur: Étienne Dumont

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